Notice d'utilisation
L'édition courante du Manuscrit trouvé à Saragosse est enrichie en outils de navigation supplémentaires et complétée par la fonction d'une libre « marelle » permettant au lecteur de jouer avec l'extrait lu. Le texte du livre lui-même reste inchangé.
En bas de chaque chapitre (correspondant chacun à une journée) le lecteur peut trouver le tableau de narrateurs et le tableau de héros. Le premier permet de rappeler vite qui est le personnage qui prend la parole et quelles sont les relations entre tous les narrateurs.
Par exemple, dans le chapitre 15 Alphonse parle de Don Avadoro (le Chef gitan) qui raconte à son tour une histoire où Marie de Torres fait son apparition, après quoi on revient de nouveau à l'histoire d'Alphonse. Ces relations se trouvent visualisées dans le tableau. De plus, chaque cellule du tableau, portant un nom d'un personnage, constitue un lien qui permet de consulter le début de l'histoire donnée: ainsi, un clic sur le champ « Chef gitan » renvoie le lecteur au début de l'histoire du Chef, un clic sur « Marie de Torres » - au début de son histoire etc.
Le tableau de héros montre à son tour les noms des personnages principaux d'une journné donnée ainsi que les chapitres de la journée précédente et de la journée suivante. Le lecteur peut ainsi suivre les histoires des héros qui l'intéressent d'une manière beaucoup plus rapide qu'en feuillettant un livre (édition classique), ou en sautant entre la liste des héros et la journée (édition de Penguin), ou entre la liste des héros et la page (édition française). Un seul clic sur le champ du personnage choisi renvoie le lecteur à la journée indiquée dans la colonne du tableau.
La revue des personnages dans le tableau est basée sur le principe de la loupe qui permet de voir uniquement la partie du texte qu'elle couvre à un moment donné. Le tableau du chapitre 15 comprend les chapitres 12-19. Toutefois, pour faciliter la navigation dans le labyrinthe de récits entrecroisés, le tableau va quelquefois plus en arrière ou plus en avant, en montrant les premiers ou les derniers chapitres, dans lesquels le personnage fait son apparition. Les colonnes de ces chapitres sont signalées en gris-bleu.
Près de mille liens internes (dans les tabeaux de narrateurs) et externes (dans les tableaux de héros) ce n'est pas tout. La version hypertextuelle du Manuscrit trouvé à Saragosse contient environ 200 liens textes. Ils permettent de se déplacer dans l'œuvre de Jean Potocki d'une manière plus libre, intuitive et associative, invitent à la lecture des textes mis en relief [« lecture excellente ! » ] et à traverser le texte d'une manière moins conventionnelle. Les liens sont divisés en trois catégories, signalées en trois couleurs différentes. On ne dévoile pas exprès le principe d'une telle division, pourtant il existe et le défi consiste à le trouver. Ainsi, à travers les vagabondages dans les cols, vallées et abimes de l'œuvre, on propose au lecteur un jeu littéraire pour découvrir les traces (non) éffacées de la lecture subjective de l'éditeur.
Les liens hypertextes du Manuscrit sont différents de ceux qu'on connaît de la lecture quotidienne de l'Internet. Ils sont à quelques niveaux et annoncent les contenus que le lecteur retrouvera dans le chapitre cible, donc, "de l'autre côté" du lien... On n'apporuve pas les sauts trop rapides. En cliquant sur un mot ou une phrase soulignés on passe à un texte qui n'est pas visible dans son integralité et que l'on peut (mais ne doit pas) afficher. Un tel texte est plus qu'une simple annonce. Il peut contenir un commentaire, une explication, une riposte plus ou moins humoristique, un mauvais présage et tout autre distraction qu'un lien hypertexte est capable de nous offrir. Si le lecteur se sent assez intrigué par le contenu du commentaire, il peut cliquer sur la flèche qui se trouve en bas et passer à un autre chapitre.
À quoi sert cette multiplication des niveaux ? À quoi bon ajouter quelque chose à une œuvre accomplie ? Pourqoi ne pas se contenter des « rubriques pareilles à un schéma », comme les appelle Potocki même, parlant par la bouche du Géomètre Velasquez, ou bien des tableaux de narrateurs et de héros qui répondent peut-être sufisamment aux besoins d'un lecteur classique ? Eh bien, le Manuscrit avec son répertoire de trames et de techniques narratives met en première place le jeu des apparences, la mascarade, l'illusion. Le seul caractère référentiel des tableaux ne peut pas rendre ce phénomène. Léonore, la sœur de la duchesse d'Avila c'est la même duchesse d'Avila travestie, la sœur du duc d'Arcos, qui utilise le faux nom de comte de Peña Flor, c'est le même duc travesti en jeune dame. Diego Hervas, le héros de l'histoire racontée par le Pélerin maudit, est un personnage tout inventé (comme élément de l'intrigue de Busquer) et pourtant il reapparaît dans cinq chapitres. Enfin, don Henri de Sa, gouvernur de la province, qui ne figure pas dans les tableaux de héros et qui n'apparaît jamais sur scène, se montre l'un des maîtres des marionnettes, qui manipule non seulement les personnages secondaires mais aussi le héros principal...
Accomplir le testament de Velasquez, et donc compléter le texte du Manuscrit trouvé à Saragosse par les tableaux chronologiques ou bien par les cartes interactives des endroits et des héros ne suffit pas pour rendre le caractère aussi complexe et malin de ce chef-d'œuvre où chaque petit élément est indispensable pour le fonctionnement de l'ensemble. Et tout ce qui paraît passager, inachevé ou accessoire dans le Manuscrit ne fait que prouver que Potocki visait une œuvre encore plus monumentale. C'est pourquoi on a opté pour la structure basée sr des liens : on veut inviter le lecteur à explorer le Manuscrit d'une manière associative plutôt que linéaire, à chercher des similitudes et des contrastes, à créer des archétypes métatextuels de fiction qui, à un moment donné du récit, focalisent le vaste fleuve des trames et des événements. Le vacarme des intrigues et des rumeurs courant au Prado ou dans les camps des vallées des Alpujarras, réflété dans le visuel de l'édition courante, disparaissent derrière le voile du silence significatif, un doigt pointant vers la sagesse de cette œuvre intemporelle.
En ce qui concerne l'organisation du texte, il est affiché dans une seule colonne, centré et sufisamment étroite pour faciliter la lecture sur le téléphone, tablette ou ordinateur portable. Les parties du récit sont signalées visuellement : les parenthèses, conclusions et introductions sont séparées du texte principal. Les parties du texte qui servent de référence pour les liens contenus dans d'autres chapitres sont signalées avec un fond gris clair, pour indiquer les moments clés d'un chapitre donné. On espère que, grâce à ces solutions, la lecture de l'ouvrage labyrinthique de Potocki deviendra plus transparente. Mais n'ayons pas peur d'errer ! Les demi-tours, impasses et détours sont au service de l'ordre qui se crée immanquablement au dessus d'eux.
En vous souhaitant une excellente lecture,
Mariusz Pisarski et Jakub Niedziela